mardi 25 janvier 2011

Léon se pèle le jonc

                               Ma photo est datée mais toujours pertinente en janvier au Québec.


Il sortit du nid de draps et douillettes lui servant de lit avec la nette impression
qu'il faisait très froid dehors.L'appartement était frisquet et humide
malgré les plinthes électriques chauffant sans relâche son espace
depuis quelques jours. Janvier se dit-il, résolu.
Étant désuètes, ses fenêtres doubles et poreuses laissaient le choc
de l'air froid et chaud se produire, créant ainsi un givre intense
recouvrant presque entièrement la première fenêtre extérieure
pour ensuite se répercuter sur la deuxième, intérieure,en moindre intensité.

De fait, il consulta vite son thermomètre dernier cri
genre "in and out" numérique pour voir -25 degrés Centigrade affichés.
Avec la marge d'erreur qu'il avait auparavant observée
via Internet et les médias versus son appareillage à distance
mû par batteries il devait bien faire -30 Celsius dehors.

Fuck, j'vais geler comme un rat aujourd'hui.
Les mains surtout.
J'vais m'les geler toute la crisse de journée à pitonner
sur le clavier minuscule du scanner portatif, pensa-t'il
tout en se dirigeant prestement vers la cafetière
pendant qu'il émergeait du sommeil, entrevoyant la chronique
d'un cauchemar annoncé qui se dessinait tranquillement
dans ses neurones.

Il y a de ces jours où il vaut mieux rester couché.
Ce jour-là était malvenu à cause de raisons diverses
en plus de la difficulté à les prévoir d'avance.
Après un bon café, une douche et plusieures couches de vêtements
incluant Long John's, chandails laineux par-dessus T-Shirts
et plusieures paires de chaussettes nappées de bottes ignifuges,
il sortit.

Le froid intense mordit à grands crocs son visage découvert,
telle une gifle glaciale où seuls deux éléments se confrontent.
Toutes les extrémités du corps étaient offertes et proies de la froidure:
le nez, les pieds, les mains et la tête pour tout le monde.
Ajoutons la bite pour les mâles; ce matin-là n'était pas le temps idéal
de faire prendre l'air à Pipo pour le soulager.
Il aurait gelé sur place en moins de deux
pour tomber à la moindre secousse hygiénique.
Poc!
À terre, tel un caillou.
A frozen sausage.
Sectionné comme un glacier du Groënland
qui s'effondre dans la mer froide.
Eul' chien l'aurions probablement mangé par la suite.

Ce n'était pas tout, évidemment.
Un moteur à explosion carburant à l'énergie fossile
devait être démarré. Le char hein.
Le char va-t'il partir par moins trente?
Même si Léon souhaitait de tout coeur payer un mécanicien
pour le redémarrer en ce jour maudit, le véhicule démarra
contre son désir de rester chez-soi peinard,
non sans se faire tirer l'oreille.

"Avale allez, avale".

Errhee Errhee, brrmbleblebrrm, vrrmbbbrrblebleblblbl...
Il démarra carrément l'enfoiré mais ça tournait pas rond du tout du tout du tout.
Ça frottait et cognait solidement de toutes les courroies et pistons entremêlés
à froid sibérien. Boy! We have a tough cookie here.
Toute la caisse en tremblait à travers sa tôle assemblée.

Un froid aussi intense est dur sur toutes les mécaniques mais bon,
c'est pas un drame le métal contre métal.
C'est qu'une bagnole après tout.
Un tas d'ferraille dans l'fond, rien à branler.

C'est pas comme si un voilier, un delta-plane ou un vélo étaient amochés.
Tout de même, avoir le luxe ou la nécessité d'une voiture coûte très cher.
Suspension gelée à l'extrême, presque absente pendant
tout le trajet de 12 km où j'avais l'impression de transiter
en charette à boeuf. J'ai cassé un support de filtre à air
de plastique en voulant le remplacer, à cause du froid.
J'étais pourtant dans une voiture récente, vandalisée par l'hiver québécois
d'une part, vampirisée par une cie japonaise diminuant les coûts
de production d'autre part.

Janvier au Québec offre un visage dur et difficile,
parfois à l'image de ses citoyens.(C'est une autre histoire)

Chaque individu est pourtant singulièrement différent
l'un de l'autre peu importe où il nait, grandit et évolue
sans nier l'influence de son environnement.
Allez comprendre et déchiffrer...

Le monde est un Capharnaüm.
Une tour de Babel ingouvernable,
dominée par des intérêts politico-financiers
fonçant droit vers un mur. On est DANS le mur.
En 2011 la question n'est pas de gouvernance
idéologique mais bien de domination économique;
or le système capitaliste dans lequel nous surnageons
n'a jamais été viable puisque vicié
et sujet à crises majeures dès le début
de sa création.On croira à tort que je diverse.

J'en arrive à cette conclusion machiavélique et quasi-définitive:
Tant que le peuple aura de la nourriture,
il ne se soulèvera pas.

Affame-le et tu le verras se lever.

7 commentaires:

anne des ocreries a dit...

Bonne conclusion, Yvan. Heureusement, même les journées de travail calamiteuses ont une fin, mais je t'envoie mes meilleures pensées pour te réchauffer, si un sourire en est capable.
Mes perce-neige vont fleurir.
xxx

Yvan a dit...

T'es déjà rendue au printemps toi!?

Ton sourire en ce jour est un soleil qui fait fondre la froidure.
:)

Yvan a dit...

Cette conclusion est de droite,malheureusement.
J'aimerais tellement pouvoir
dire qu'elle est autre;
visionnaire,puissante et porteuse...

P a dit...

On a les conclusions qu'on peut!
Tant que les gens ont quelque chose à perdre , ils ne bougent pas...
Seul le désespoir peut soulever les foules ou alors... un rêve.
Mais comme la gauche autant que la droite ont tout foiré.. sur quoi rêver...
Le printemps, peut-être; il est déjà chez Anne, pas encore 200km plus haut... il vient, il vient, c'est sûr!
P.

Yvan a dit...

Je chialerais pas autant contre
l'hiver si je travaillais à l'intérieur mais j'aurais de la misère à bosser dans un bureau à l'année longue.
Faque, m'as prendre ma "pelule"
en attendant que ça passe.

Laure K. a dit...

Oui Courage Yvan, il a neigé une brindille ici vers Paris, je n'imagine même pas le courage qu'il me faudrait pour sortir de ce celsius là !

Yvan a dit...

Il faut simplement faire la différence entre ceux bossant
à l'intérieur,versus ceux
bossant à l'extérieur.

Bises.