"Natalia Urgova"
Je sonne à la porte, j'attends. On me répond, la porte de l'intimité "autre" s'ouvre à moi.
Une jeune fille dans un vieux corps, m'accueille . Son visage ridé est lumineux.
Je lui dis l'objet de la livraison. Lui demande son nom. J'ai toujours besoin d'une signature complète, nom et prénom. Toujours.
Elle me dit, avec ses grands yeux bleu mâtinés d'accent slave:
Procst, voscht te dinaicshki da?
-Quoi?
Quel est votre nom? What is your name? Visiblement elle parle pas français mais baragouine l'anglais.
Elle balance la tête légèrement de gauche à droite avec ses grands yeux ronds de Mini-fée sortie d'un manga japonais; avec un mélange de résignation implorante que j'ai déjà vue chez d'autres slaves, comme une douce prière, elle me susurre doucement:
-Natalia... (Elle porte un bonnet sur la tête qui semble lui conférer un rôle de
subordonnée dans la maison, mais je ne puis jurer de rien, je suis médusé et
subjugué par sa voix et son regard d'une douceur presqu'insupportable, telle une musique mélancolique qui vous transporte dès les premières notes.)
-GG....And your name?
- Urgova...
-Natalia Urgova...
- Yes.
-Russian?
-Yes!
Elle me regarde droit dans les yeux avec une tendresse infinie... J'ai envie de la prendre dans mes bras et brailler comme un veau en lui disant: "Dans mes bras Natalia!"
Mais non.
Au lieu de lui dire: "Je dois te serrer dans mes bras Natalia sinon je craque", je lui ai dit:
-Could you sign here please...(Pas que ça à faire m'attendrir, je bosse, circulez ya rien à voir)
Elle signa et je repartis promptement.Mon emploi du temps chargé l'exige. Si je glande, on me demandera des comptes le lendemain c'est sûr car nous sommes électroniquement suivis de manière rigoureuse et journalière.
Puis j'entends une voix vociférante dans la maison comme je m'éloigne vers mon camion, sans pouvoir dire si c'est celle de Natalia ou une autre...
En redémarrant, j'eus une pensée pour elle et les espionnes russes, qui sont certainement redoutables d'efficacité ...Cette Natalia aurait pu attendrir un coeur de pierre.
Je ne connaîtrai jamais son histoire, à moins de retourner dans ce coin d'urbanisme compliqué comme un labyrinthe dessiné par Stanley Kubrick.
Ce coin de banlieue est schizophrénique, même pour une boussole. Les urbanistes qui ont dessiné ça devaient être complètement bourrés. Une chatte y perdrait ses petits.
Où es-tu Natalia Urgova? Reviens!
J'te sauverai Natalia!
Tous les dragons de la terre ne m'arrêteront pas!
Ya pas à dire, je vois beaucoup de monde dans une journée, mais Natalia était troublante...
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