J'ai donc pris la voiture pour me garrocher au "Nouveau" cinéma du Parc pour voir le dernier Lynch et polluer l'environnement un peu plus pour satisfaire mon caprice de cinéphile grand écran.
De plus, ces braves gens du Parc ont pensé aux habitants des planètes 450 environnantes en leur offrant 3 hres (!) de stationnement souterrain gratos! Pas très écologique, mais pratique quand on veut voir un film de plus de deux heures.
Pas besoin d'interrompre le visionnement pour aller nourrir le parcomètre. Innovateur dans un sens, car l'espace stationnement dans le coin est assez réduit merci.
C'est chouette de penser à nous les 450, les cinémas répertoires et leurs représentations en semaine sont surtout pensées pour les Montréalais en général.
Évidemment, j'aurais pu étrenner le nouveau métro Laval, mais bon. Je bossais tôt le lendemain et ne voulais pas attendre la rame; toutes les raisons sont bonnes pour prendre sa bagnole, moindre effort oblige. Voilà pour le pratique de l'expérience.
J'arrive juste à l'heure, 17 pm, une vingtaine de personnes assises un mardi ensoleillée.
Une bande-annonce: "Iraq in fragments" qui semble intéressant. Puis ze film débute.
What a fuckin' ride it was...Ça m'a pris tout de suite, dès les premières images j'ai embarqué dans le manège. La séquence hypnotique de l'aiguille sur le disque...
Pour ceux et celles qui l'ont pas vu encore, portez attention à ce que dit la vieille intriguante à Laura Dern au début du film. Je crois que cela vous aidera pour la suite car elle fournit quelques clés.
La première heure est assez "conventionnelle" pour du Lynch, ça se suit assez bien puis, l'horloge se dérègle, le temps et l'espace fuient; mine de rien, on entre dans un monde surréaliste du film dans le film où Laura Dern(excellente) souffre de visions, et où Lynch tient fermement la barre du bateau à mon avis, malgré l'apparente confusion qui s'en dégage.
Où sommes-nous, dans le scénario du film dans lequel elle joue ou bien dans sa vie à elle, telle qu'il nous la montre? Peu importe, le pouvoir hypnotique Lynch fait son effet par une maîtrise absolue de sa méditation filmée. Je me suis laissé bercer par cette histoire faite de lumière et de ténèbres où il vaut mieux laissé sa logique au vestiaire dès le début de la projection.
On assiste peu à peu à un dévoilement de poupées russes qui se chevauchent en parties, et souvent de manière fragmentaire, pour nous livrer des clés de compréhension par morceaux. Un puzzle 3D à assembler dans un labyrinthe, avec force musique jouant son rôle toujours important chez le cinéaste.
Je comprend la déception de certains cinéphiles devant tant d'énigmes, faut être dans un "mood" ouvert, en "shape" spirituelle momentanée, pour assister à un tel film.
Expérience inoubliable qui m'a fait très forte impression en ce qui me concerne, malgré un léger décrochage au deuxième tiers par tant de digressions, et malgré le fait que je me suis senti dépassé.
Par l'incompréhension d'un bord,( j'ai pas tout compris, loin de là): Les lapins, c'est quoi le rapport, esti?!
Par le questionnement de l'autre bord: que diable veut-il nous dire ce Lynch?
Film chargé et touffu. Dense. Too much peut-être. À voir, et à revoir pour mieux comprendre. Un de ses films qui vous laisse médusé par tant de questions, mais qui étrangement vous susurre sa réponse finale:
"Trust your own experience".
Un journaliste français lui a demandé:"Qu'ajouteriez-vous à l'annonce de votre film?"
-"Faites confiance à votre propre expérience".
Laura Dern campe ici deux rôles, l'actrice dans la vie(avec ses vrais yeux) et l'actrice dans le film(avec verres de contact foncés). Brillante, on dirait que le temps n'a pas ou peu de prise sur elle.
Elle dort dans le formol celle-là et offre ici une performance exceptionnelle.
Critique cinglante envers Hollywood et ses pseudos-rêves-illusoires où l'être humain n'est qu'objet. Plaidoyer pour la complexité de l'âme humaine, rédemption et déchéance, assorti des possibilités et des dérives de l'amour, Inland Empire est tout, sauf facile.
Premier film du cinéaste tourné entièrement en format numérique, l'ensemble pèche un peu par pauvreté des couleurs d'image et maigreur de la profondeur de champ par moments,- focus inadéquat sporadique mais était-ce le projectionniste qui tripatouillait?- qui ne m'ont pas dérangé outre mesure et qui ne ternissent en rien l'ensemble de cette oeuvre à mon avis.
Entre vous, moi et la boîte à bois, j'ai cru assister à une méditation mémorable sur le pouvoir du cinéma, et de la vie.
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