Elle aura bientôt 15 ans de modèle, 12 ans de bons
et loyaux services avec ses rouages et boyaux.
Elle fut extraordinaire de fiabilité à peu de frais,
sauf que je la sens plus du tout cette caisse
japonaise.
Elle est comme un camembert qui s'abandonne,
roulant par habitude et tenant ensemble par
ce qui lui reste de peinture originale.
Roulasse,allez va.
Je m'en séparerai pour une plus jeune,
elle l'a senti récemment en me faisant
un petit caca nerveux. Signe que j'ai raison.
Lorsqu'elle sera vidée de son contenu
personnel et vendue pas cher, elle restera
à jamais chargée de souvenirs
impérissables.
J'essuierai presque une larme, qui séchera
rapidement au moment de la prise de
possession d'une caisse toute neuve
qui est quoi dans le fond;
toutes ces voitures neuves là,
c'est quoi au bout du compte,
sinon de "futures vieilles carcasses"?
"Oooh qu'elle est belle, cette future
vieille voiture!"
Les objets que produit l'homme
lui ressemblent en tous points sauf
la voiture, pourquoi?
Parce qu'elles peuvent connaître
une seconde vie à mon avis.
Après 20 ans d'existence une
automobile est classée "objet
de collection"; ainsi ma vieille Colt
fera partie de ce club sélect
des objets de transport prisés dans
5 ans environ si elle termine pas ses
jours écrabouillée ou périssante dans
une cour.
N'étant pas collectionneur
de cet objet encombrant je m'en
débarrasse comme d'un vieux poids,
participant à cette période de flottement
du temps où t'es juste vieux et emmerdant.
Si seulement les humains pouvaient
bénéficier d'une telle seconde chance.
Il faudrait d'abord établir le pro-rata de l'âge.
Mettons qu'à 55 ou 65 ans, tu deviens
"objet de collection".
Tu t'asseoirais sur un tabouret
les beaux jours d'été,
sur ton parterre avec un chou sur la tête,
le prix demandé,et le numéro de téléphone.
Les gens déambuleraient en s'exclamant:
"Oooh le beau petit vieux, il a l'air en forme
pour son âge, on soignera son arthrite
en remplaçant les pièces défectueuses,
j'le veux, il est trop mignon."
On fini tous à la casse sous les pissenlits.
Il n'y a que les souvenirs pour nous
tenir en vie, une fois terminés.