vendredi 18 avril 2008

Lecture de Claude Chabrol


Le titre est pompeux, mais dès le préambule, Chabrol affirme:
"Ma méthode pour faire un film n'est pas la même que celle des autres réalisateurs. Toutes les méthodes sont différentes. Chacune d'entre elles peut être la bonne pour celui qui l'applique, et mauvaise pour les autres. Donc, parler d'une école de cinéma, cela ne veut rien dire."
C'est un tout petit livre d'une centaine de pages qui se lit d'une traite, tant l'écriture concise et limpide fait le tour d'une vision globale intelligente teintée d'humour, sur la façon de faire un film selon Claude Chabrol, qui compte plus de cinquantes longs métrages à son actif.
Fascinant bouquin qui pose un regard français personnel et universel sur la réalisation du cinéma. Il nous fait part de sa façon à lui, toute personnelle, sans prétention.
Ses propos furent recueillis par François Guérif en 2002, qui en fit ce bouquin découpé en chapitres pour la compréhension d'un long-métrage. Tout y passe en général à travers l'oeil, n'oubliant rien sans jamais verser dans la théorie redondante; mais perso, j'aurais pu en prendre plus, beaucoup plus; mais c'est déjà ça de pris.
Quelques citations citées hors contexte, pour vos beaux yeux.
-Sur les cinéastes:
"Grosso modo, on peut dire qu'il y a deux sortes de cinéastes: les conteurs et les poètes".
Puis il explique...
-Sur les producteurs:
"Comme pour toute profession, il y a de bons et de mauvais producteurs. Le mauvais producteur est facile à reconnaître: il n'a que deux idées en tête:
1-Dépenser le moins d'argent possible;
2-Que ça lui rapporte le maximum. Cela dit, la plupart des producteurs souhaitent dépenser le moins d'argent possible, et c'est compréhensible. Je dois dire que les producteurs qui dépensent le plus d'argent ne sont pas, de loin, les meilleurs."
Puis il illustre ses affirmations... :-)
Et une dernière sur la critique:
"Il faut bien établir que la critique, quelle que soit l'honnêteté ou la malhonnêteté de celui ou celle qui la rédige, est le résultat d'une sensation à un moment déterminé d'une personne qui a la possibilité de la faire connaître. C'est ça, et rien d'autre. Il y a plusieurs cas de figure,
(quatre en fait):
1-Le succès est à la fois critique et public. Vous vous dites: "Voilà, ça y est, je suis vraiment fort.
En route pour l'immortalité".
2-Le succès est public, mais pas critique. Vous vous consolez d'une certaine amertume.
3-Le succès est critique, mais pas public. Cela vous donne une excuse auprès des financiers.
Le réalisateur peut dire: "Vous avez mal lancé le film". Le producteur, dans les dîners en ville, peut ne pas paraître trop ridicule. Il a perdu de l'argent, mais il n'a pas fait un navet.
4-L'échec est critique et public. Le cinéaste est alors obligé de faire un examen de conscience, à l'issue duquel il se persuade soit qu'il s'est trompé, soit que tous les autres se sont trompés. Dans le second cas, il y a simplement une erreur dans le temps: "On en reparlera dans dix ans".
Parfois, c'est vrai, et cela peut durer autant d'années qu'il le faut pour qu'un film soit reconnu. Cela peut arriver; de même, des films portés aux nues peuvent paraître de pauvres choses vingt ans plus tard. En général, les producteurs et réalisateurs préfèrent que le film marche, même avec une mauvaise critique, que l'inverse. C'est tout bêtement un problème de survie.
(...)
C'est comme ça du début jusqu'à la fin du livre.
Une leçon sur le cinéma et la vie, par extension naturelle d'un talent inné, livrée de manière personnelle.
Précieux et rare, sans maniérisme.

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