samedi 31 mars 2007

The Host - Monstre Suprême

"The Host"
Bong Joon-Ho (Corée du Sud, 2006)
version originale sous-titrée en anglais

Si le temps confirme les grandes oeuvres, ce film remarquable et jubilatoire a déjà un bon bout de chemin de fait quant à moi, tant je me suis régalé du début à la fin par autant de talent transposé sur grand écran.

S'inspirant d'un fait divers survenu en 2000, où un déversement toxique eut lieu dans la rivière Han après qu'un supérieur américain l'eut ordonné à un subalterne coréen protestataire, le film est une satire politico-familiale mordante, affublée d'un monstre qui fait flèche de tout bois sans jamais rater une cible. Juste cela représente un exploit en soi.

En y ajoutant une créature mutante qui sert ici surtout de véhicule à la poésie visuelle et narrative magistrale de Bong Joon-Ho, le film atteint des sommets anthologiques. Comme si le film portait le monstre sur ses épaules et non l'inverse, la bébitte servant de "side kick" assise à la droite du conducteur pour nous faire peur et nous faire rire. Idée brillante ET réussie. Effets spéciaux à la fine pointe malgré un budget de $10 millions US. Faut voir cette énorme grenouille-limace, hyper-agile avec sa queue de lézard, mais pataude et drôle dans ses déplacements sur terre ferme avec ses pattes de batracien mal fagotées pour le plancher des vaches. Une belle grosse bestiole dégueu, vraiment. J'aime les monstres hybrides, que voulez-vous...

Et le mec Bong , il manie les ruptures de ton et les codes de différents genres comme un gitan de cirque manie les couteaux avec une dextérité rarement vue. Si la magie existe, Bong en est un représentant. Ça passe du burlesque au drame subtil et poétique en une minute sans décrochage avec une chronologie d'évènements scrupuleusement réaliste. Comme une suite de tableaux peints par de grands maîtres, regroupés sous un même thème avec le fil narratif de la famille sur fond de politique version cinéma. Réinvention.

Créativité, drôlerie, inventivité visuelle, on sent jamais la présence de la caméra tellement tout coule de source. Fluide comme de l'huile d'olive première pression. Hilarante scènes de famille, foule en panique hallucinante, humour et douleur judicieusement clairsemés. Bong Joon-Ho, poète de l'image avec l'oeil tantôt microscopique, tantôt panoramique sans jamais verser dans la redondance, la redite ou la complaisance.

Comment réussit-il cela? Je sais pas, franchement. Tout ça se tient admirablement bien dans le montage, sans doute par la vision globale et précise d'un cinéaste de génie qui sait exactement où il s'en va tout en gardant à l'esprit que la vie est une tragi-comédie parsemée de poésie au quotidien. Son précédent film "Memories of Murder"(2004) serait de même facture que celui-ci où le mélange des genres est heureux. En tout cas mon Bong, je vais m'rappeler d'toé...

Si j'étais hyper-pointilleux (ce que je ne suis pas face à un film magistral où la somme vaut cent fois plus que l'addition de quelques parties), ma seule critique serait le jeu parfois forcé de quelques interprètes, mais oubliez donc ça.

Faut voir cette bête lumineuse avant qu'elle ne s'enfuie, sinon espérez le DVD. C'est une HONTE que ce soit à l'affiche dans une seule salle quand le nanar annoncé "À vos marques...Party" monopolise 33 salles(dites "Trente trois") dans le Mtl Métropolitain. A real fucking shame. Monopole du nivellement culturel vers le bas, motivé par la soif de profits des distributeurs. La "Universal" aurait acheté les droits de remake sur le film. Faut s'attendre à ce que Hollywood, dans son incapacité schizophrénique à s'ouvrir sur les autres cultures, nous remâche ce bijou pour en recracher un squelette pâteux et sans âme où une bonne famille typique (américaine bien sûr) fera face à l'adversité dans un pays disons..hmm..arabe? Les paris sont ouverts et ce sera intéressant de voir comment les américains transformeront une charge critique à leur endroit, en leur faveur.

Seront-t'ils capables d'auto-critique en respectant le côté politique du film? On peut sérieusement en douter.




Aucun commentaire: