dimanche 5 novembre 2006

Stupeur et Tremblements



Adaptation cinoche d'Alain Corneau du roman éponyme d'Amélie Nothomb qui lui a méritée le Grand Prix Roman de l'Académie Française. Écrit en 1999, soit neuf ans après le stage catastrophique de la Belge dans une grande entreprise de Tokyo où elle relate avec un humour omniprésent sa lente et inexorable descente aux enfers par son attitude trop occidentale dans le monde très codifié des affaires japonaises, qui favorise l'humilité à l'initiative en tout temps et en tout lieu.

À trop vouloir, on se met dans la merde, au Japon. Il faut un profil bas, une attitude servile et humble pour pouvoir gravir les échelons d'une entreprise, au contraire de l'occident qui lui, presse le citron au max pour votre inventivité. Je me suis déjà prêté à ce jeu avec des invités nippons quand j'étais guide, et ça marche putain, ça marche!

Leçon qu'Amélie Nothomb ne semble pas avoir comprise, elle qui a pourtant passé son enfance dans ce pays. Bizarre, à moins qu'elle n'aie inventé cette attitude pour le besoin du roman, ce que la première intéressée aurait nié de manière implicite, proclamant son livre autobiographique. J'te donne le bénéfice du doute chérie, mais en 2006, selon mes récentes lectures, ce pays serait en mutation, côté "révision des conditions de travail". On l'espère avec leur taux de suicide à faire pâlir d'envie le Québec déprimé.

Bref, si vous aviez des préjugés envers le Japon et son sens de la hiérarchie, ce livre les confirmera et les renforcera peut-être, à tort ou à raison.

Ceci dit, la lecture est savoureuse par l' humour qui imprègne chaque page. Par son regard distancié et partie prenante. Le sens de l'observation aigüe des moeurs nipponnes, ses descriptions des codes qui régissent les comportements dans ce pays, les tirades sur la beauté de la femme asiatique, le célibat et le sens du devoir, valent à elles seules le prix de ce bouquin qui se lit d'une traite. On me pardonnera cette longue intro, je sentais le besoin de parler du livre avant le film, comme pour toute adaptation. Ce pays me fascine, et j'ai bien aimé ce livre :)

Le Film

Réussi et remarquable, à défaut d'être génial. En japonais sous-titré, sauf la voix off en français. Du théâtre filmé dans un gros building. Je lève dabord le chapeau à Sylvie Testud, le personnage principal, pour son apprentissage du japonais qui lui a nécessité plusieurs mois de travail. Par son jeu aussi, honorable, qui traduit bien l'Amélie littéraire, mais en moins subtil.

Le casting nippon est irréprochable et savoureux comme le livre, à commencer par cette Mlle Fubuki, jouée par Kaori Tsuji, beauté nipponne lumineuse ET talentueuse(ouais poupée, tu dirais que des niaiseries, j'en redemanderais) qui campe ici un personnage mémorable de frustration retenue. Beauté et vérité, quand tu nous tiens. (Quand donc pourrai-je te revoir?...Soleil levant...) Ensuite, le vice-président, gros tas au tempérament sanguin qui "blaste" tout le monde devant tout le monde, Bison(!) Katayama, jouant Mr Omochi. Hilarant Bison. Come on Bison!

Alain Corneau ne s'éloigne guère du roman et reste fidèle, comme s'il avait adopté la même attitude servile qu'il faut au Japon pour réussir. Il réussit, mais ses choix éditoriaux et de mise en scène laissent parfois songeur par leur linéarité, notamment pour la voix off, qui alourdit parfois le propos au lieu de l'élever. Il y avait pourtant matière à délirer avec la voix off, la tirade sur la beauté de la femme nipponne(entre autres) étant largement escamotée, et les scènes de défenestration relevant plus du Superman des années 80 cheapo, qu'à une véritable mise en abîme digne d'aujourd'hui.

L'image d'une plante. Le film en étant la tige, et le livre, la fleur :)

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