vendredi 12 avril 2013
Leviathan est nous
Documentaire cauchemardesque, anthropologique et nécessaire
sur l'industrie de la pêche intensive aux larges des côtes du Massachusett,
"off The New Bedford Coast".
Dans le coin de Melville et Moby Dick, tiens!
87 minutes de nez au coeur d'un chalutier raclant tout
sur son passage aquatique pour se délester ensuite
d'une quantité impressionnante de viscères, têtes
et coquilles vides en tous genres aux volatiles
et autres nécrophages des mers en quête
de bonne ripaille.
Et ce n'est qu'un seul chalutier.
Combien il y en a en moyenne chaque année
sur les zones de pêche du globe?
Le bateau enchaîné fait figure de petit escargot flottant
et risible face à la mer souvent déchaînée et toute puissante:
une bouche qui avale tout par immenses filets;
un estomac gargantuesque qui sépare,
tranche et sélectionne le comestible
puis rejette à flots la merde par ses flancs.
Je serais curieux de connaître le ratio-kilo
de ce qu'ils gardent versus ce qu'ils rejettent à la mer
car rien n'est dit tout le long du document. Pas un mot;
à peine quelques directives via hauts-parleurs.
Tout est cependant montré à ras le poisson
et l'homme usé par les gestes mille fois répétés.
Le regard vide de l'homme épuisé devant le discours
apocalyptique d'une télé abrutissante prise sur le vif
lors d'une pause-repas. On le voit s'endormir
devant nous.
Le bruit incessant des poulies,des chaînes et des moteurs
qui remontent et redescendent les filets grands
comme des buts de soccer.
Aucun mot n'est prononcé pendant tout le film
mais ça hurle tout le temps la mer, les câbles,
le métal,le lourd labeur et le poisseux.
La houle qui fait se balancer une tête de poisson
fraîchement coupée sur le pont.
C'est du joli mes grognards.
Je pourrai plus jamais mangé un poisson
d'épicerie comme avant tiens.
Ses yeux globuleux fixeront mon regard désormais.
Je veux mon étang et mes poissonnets
bien propres et bios, siouplè.
Ces mers nourricières pillées sans vergogne,
jamais cela est dit mais on nous montre
toute sa mécanique implacable.Un pillage
et un massacre écoeurants. En cela le film
est beau et d'une force admirable.
J'en ai vu des docus; des comme celui-là,
non.
Une douzaine de caméras numériques,
certaines sous-marines qui piquent du nez,
ressortent et repiquent, épousant
le mouvement de la proue face
à cette mer plus forte que tout.
Jusqu'au vol des oiseaux qui est épousé
de belle façon. Du grand art.
La qualité du son: exceptionnelle.
On leur donne le Jutra, l'Oscar, le Gémeaux,
l'Ours, le César, le Renard et le Lièvre
du Son. Un film qui passe autant
par l'oeil et l'oreille, c'est rare.
L'oeuvre des réalisateurs
Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel
est d'une grande pertinence-(j'allais dire beauté)-
malgré quelques plans jusqu'au-boutistes qui pourront
peut-être ennuyer certains spectateurs.
N'est-ce pas là cependant le propre d'une oeuvre
sans compromis et par le fait même remarquable,
voire même un chef-d'oeuvre?
"Voyez ce que nous avons fait, faisons
et ferons pour vous nourrir de poisson,
terriens".
Jusqu'à épuisement des stocks
si rien n'est fait très bientôt
afin de préserver cette ressource.
(Lire aussi la très bonne critique d'Éric Fourlanty.)
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7 commentaires:
Et pendant ce temps, la pêche côtière, la petite pêche artisanale, se meurt....autant que les ressources aquatiques !
Et on a de moins en moins de choix sur les étals.....
Non, vrai, il est plus que temps de renverser la vapeur !!!
Merci, mister. Ça semble époustouflant.
En tous cas c'est immersif
et au coeur de "..."
Novateur dans la forme,
profond dans le propos.
Si tu le vois Gom,
j'espère être présent
lorsque tu en témoigneras.
Fais-moi un p'tit signe!
La véritable question est
de savoir si la Chine et l'Inde
mettrons les freins à la consommation.
Le Japon et toute l'Asie.
Leur consommation d'ailerons
de requins et de poissons
en tous genres est inquiétante
pour tout le genre humain.
Viendra peut-être un temps
où manger du poisson sera
un luxe pour tout le monde.
Je veux pas croire à cela
mais tes enfants en seront
peut-être témoins Gom.
C'est malheureusement à envisager...
J'estime le documentaire
plus important que le long-métrage de fiction depuis quelques années
à cause de l'urgence de l'époque
et du leg pourri possible aux générations futures.
C'est aussi simple que ça
dans mon cas et je me demande
souvent comment font les parents
d'aujourd'hui pour transmettre
l'espoir à leurs enfants,
puisque je n'en ai pas.
Tu sais,quand je vois les enfants
je ne puis m'empêcher d'espérer.
Lorsque je vois les adultes,
souvent je désespère.
Il y a une cassure
très sévère entre les deux
mais je sais que des êtres
tels que toi,ta douce et d'autres amis à moi poursuivent l'aventure humaine de belle façon.
Bref, c'est quelque chose qui
m'interpelle beaucoup;
j'admire cela et le questionne
profondément en même temps.
C'est toff en criss être
parent aujourd'hui,comparativement
à il y a 20 ans par exemple.
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